Au fond de mon jardin, après une petite clôture rouillée, s’étend un grand verger rempli de pommiers. Au printemps, les oiseaux gazouillent et, en été, de délicieuses pommes dorées reflètent les multiples rayons du soleil. Marcel, mon voisin, vend sa récolte à un industriel venu de la ville. Après la récolte, de bruyants camions chromés […]
La lettre d’Anton
Il était une fois un enfant appelé Anton. Anton vivait dans une famille très pauvre. Le dimanche, la famille se partageait un artichaut et, le reste de la semaine, se contentait de faire infuser les feuilles de l’artichaut du dimanche, ajoutant parfois quelques pissenlits qu’Anton arrachait sur le chemin de l’école. Le père d’Anton travaillait […]
Le nouveau monde
C’est une terre vierge, mystérieuse. Effrayante pour certain, accueillante pour d’autres. Une chose est sûre : c’est un univers différent, un nouveau monde. Depuis les premières pierres taillées, depuis les peintures rupestres balbutiantes, l’humanité a progressé. Par bonds de géant ou en rampant, essuyant même parfois de légers reculs où l’obscurantisme et l’intégrisme surent mettre une […]
Le Platerrisme
Il était une fois, un homme qui n’était ni vraiment bête, ni complètement intelligent. Comme il n’était pas tout à fait bête, il se refusait de croire ce qui n’était pas logique à ses yeux. Et comme il n’était pas très intelligent, il ne croyait pas grand chose. À cette époque, on disait beaucoup que […]
Newël dans la ceinture d’astéroïdes
Amis lecteurs,
Chaque année, pour vous remercier de votre fidélité, je tente d’écrire un petit conte de Noël original. Cette année, comme l’année passée, j’ai failli à la tradition. Je vous invite donc à relire ceux des autres années. Cependant, il y a quelques jours, j’ai découvert avec étonnement une enveloppe au pied du sapin depuis longtemps dénudé de ses cadeaux et d’une partie de ses épines.
L’enveloppe, dans une matière plus proche du plastique que du papier, contenait une lettre que je déchiffrai avec quelque peine. Le contenu en est incroyable. Je pense ne pas être le seul à avoir trouvé cette lettre mais, pour ceux qui ne l’ont pas eue, voici une transcription aussi fidèle que possible :
Un effroyable solstice
Les toits recouverts de neige font doucement miroiter le reflet des étoiles de ce transparent ciel hivernal. De chaque cheminée s’échappe un fin fumet de dinde farcie ou de filet végétarien de soja bio. Les lumières à faible consommation d’énergie clignotent aux fenêtres. Engoncé dans son blanc manteau de calme et de solitude, le petit village d’Innsbrick s’apprête à fêter la naissance du sauveur.
Suivant la coutume locale, chaque habitant a déposé sur la place du village une feuille de houx sur laquelle est inscrite une bonne résolution ou un vœu pour la nouvelle année. Exception faite du vieux prêtre défroqué qui, comme chaque année, ronchonne « Tant que le diable hantera nos contrées, toutes ces bonnes résolutions ne seront que de la farce ».
Le conte du mousse et des vingt-neuf navires.
Il était une fois un roi qui désirait étendre son empire. Ses conseillers lui affirmèrent que les terres par delà l’océan regorgeaient, du moins disait-on, de richesses. Notre bon roi pris la décision de construire un navire afin de s’en aller conquérir les pays sauvages. Le garde du trésor affirma que, étant donné les richesses que devrait ramener une telle expédition, l’opération serait plus que profitable. Armés de leur calculs complexes, les savants prédirent que l’équipée mettrait vingt-neuf ans à atteindre l’autre rive et autant à revenir. Fort de sa sapience légendaire, le roi ordonna l’ordre de construire vingt-neuf navires, afin que le délai soit réduit à deux minuscules années.
Et l’on décida de ne plus écouter les savants.
Le chantier était d’une telle ampleur que notre bon roi sentit ses forces le quitter bien avant que la première quille aie frôlé l’onde. Il fit venir son fils aîné et lui confia la tâche de terminer la construction des vaisseaux avant de rendre son dernier soupir.
Devenu roi, le fils aîné alla jusqu’à lever de nouveaux impôts afin de s’acquitter de sa tâche. Lors de l’inauguration des bateaux, il prononça un grand discours et chacun, du plus simple balayeur au maître de cérémonie du palais sentit une bouffée d’orgueil et de fierté à la vue des vingt-neuf magnifiques navires fendant les vagues dans une gerbe d’écume.
Les navires s’éloignèrent et nul n’y pensa plus. Le roi mourut quelques temps plus tard, heureux d’avoir respecté la volonté de son illustre géniteur.
J’emmerde Noël
un conte pour ex-enfants
La nuit était déjà tombée, enfouissant la ville sous une chape de froid et d’obscurité que n’arrivaient pas à réchauffer les nombreuses lampes constellant les façades. Les vitrines des magasins clignotaient de tous leurs feux en une parodie pathétique de cet astre du jour si rare et si avare de ses rayons en cette période de solstice.
La foule se pressait sur les trottoirs, écrasant sous le poids des cadeaux les derniers restes d’une boue fétide qui avait été de la neige, débordant sur les rues où les trop nombreux conducteurs invoquaient les dieux des places de parking à coup de jurons bien sentis.
Tenant fermement la main de sa maman, engoncée dans son adorable manteau rouge orné de pompons blancs, Zoé était triste. Cette année, le père Noël n’était pas passé. Cette année, le pied du sapin restait désespérément vide. « J’ai eu trop de travail ma petite » avait dit Papa. « Mais on ira t’acheter le plus beau cadeau que tu désires ensemble ». Zoé avait sourit tristement pour ne pas lui faire de peine.
Tout en contemplant l’armée de genoux qui défilaient devant ses yeux sans la voir, elle réfléchissait. Les papas, ça ne comprend jamais rien. Pourquoi le père Noël aurait-il été mis en retard par le travail de Papa ? Et puis si c’était Papa qui achetait le cadeau, ça lui coûterait de l’argent. Elle ne voulait pas que ça coûte de l’argent à Papa. Pourquoi le père Noël ne passait-il pas ? Lui au moins il avait tout gratuit. Et puis, elle aimait beaucoup son Papa, mais un cadeau du père Noël, ça n’était pas pareil. Il devait bien y avoir une raison pour qu’il ne soit pas venu. Elle avait été sage. Du moins ce qu’il fallait. Il fallait y réfléchir.
La Maison
La porte de l’auberge s’ouvrit brutalement, laissant pénétrer un vent froid chargé de pluie qui nous fit frissonner. Un homme entra, claudiquant, les cheveux en broussailles, le regard fou. Ses guenilles sales semblaient plus dégouliner sur son corps crasseux que le vêtir.
– La Maison ! La Maison ! ahana-t-il.
Il s’effondra sur le tabouret en face de moi. Par pure charité, je lui tendis un gobelet de mauvais vin qu’il avala d’un trait.
– Tu es bon, dit-il. La Maison ! Ne t’approche jamais de la Maison !
– Quelle maison ? D’où venez-vous ?
Ses traits étaient tirés, son visage reflétait un abîme de fatigue infinie.
– La Maison ! L’Infâme, l’Ignoble, Celle qu’on ne peut nommer ! Écoute donc mon histoire, homme de bonté.
Un petit air de liberté
Le pas vif, Andin s’engagea dans l’étroit sentier qui semblait s’insinuer dans l’épaisseur de la forêt. Du bout des lèvres il sifflotait un petit air de liberté.
– Grand mère ?
Sa voix se perdit dans l’épaisseur des feuillages. À ses pieds, un ruisseau tintait. Une libellule emplit un instant l’air de son bourdonnement mélodieux.
– Grand-mère ?
Le chemin serpentait, se prélassait paisiblement d’arbres en arbres mais déboucha finalement sur une clairière où la brise caressait doucement les hautes herbes. Un soupir s’enfuit silencieusement vers les nuages. Quelques notes dansaient sur un rayon de soleil.